Obligation de délivrance : un soulangement pour le bailleur ?

Cass. Civ. 3, 6 juillet 2023, n° 22-15.923

Face à une demande de résiliation du bailleur pour défaut de paiement des loyers, les preneurs tentent le plus souvent de faire valoir l’exception d’inexécution prévue par l’article 1217 du Code Civil pour se dispenser du paiement du loyer.

L’obligation essentielle du preneur est de payer les loyers.

L’obligation essentielle du bailleur est de conférer au locataire une jouissance paisible conformément aux articles 1719 et 1720 du Code Civil. Tout manquement du bailleur ne constitue pas un manquement à l’obligation de délivrance. 

La Cour de Cassation vient de rétablir l’équilibre par cet important arrêt du 6 juillet 2023.

La Cour rappelle que :

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. » (Article 1217 du Code Civil)

« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. » (Article 1719 du Code Civil)

La Cour d'Appel avait considéré que l’exception d’inexécution soulevée par le preneur était justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail.

La Cour de Cassation censure cette décision en considérant que :

« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale. »

La Cour confirme donc que tout manquement du bailleur ne justifie pas la suspension du paiement des loyers. Le manquement du bailleur doit être suffisamment grave et rendre la chose louée impropre à son usage, ce qui constitue un véritable manquement à l’obligation de délivrance. Le preneur devra démonter une impossibilité de jouir de la chose louée conformément à sa destination 

Cette précision de la Cour de Cassation est la bienvenue afin d’éviter des suspensions abusives du paiement des loyers.